Mairies bananières part 3 : le libéralisme autoritaire

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La doctrine libérale veut que le marché s’autorégule de lui même. Selon ce dogme, l’ingérence de l’État dans la sphère économique doit se faire la plus discrète possible.

Il existe bien sûr un cadre législatif supposé imposer des limites aux entreprises en matière de fiscalité, droit du travail, protection sociale et environnementale. On voit comment les multinationales arrivent à se jouer de ces règles en prétendant édicter leurs propres chartes, en créant leurs commissions autonomes et cabinets d’experts et d’avocats, en faisant du lobbying auprès du législateur.

Les gagne misère

Or, cette doctrine libérale qui protège les grosses compagnies, semble ne pas s’appliquer aux secteurs professionnels de moindre envergure : c’est le cas d’un secteur peu structuré comme celui des écoles de surf, qui ne bénéficie que depuis peu d’une protection syndicale efficace, et qui catalyse tous les clichés liés au surf, d’individualisme, de fainéantise, de profiter du système, d’incapacité à se défendre collectivement.

Là où s’invite en outre une forme de libéralisme autoritaire, c’est dans le rapport de force que certaines mairies entretiennent depuis quelques années vis-à-vis des écoles de surf présentes sur leur territoire : quelques élus, au prétexte d’assurer la sécurité des plages, sont tentés de gérer les écoles de surf, non pas comme des partenaires économiques, mais comme un patron gérerait les salariés de son entreprise.

Un patron au management à l’ancienne, c’est à dire anti-démocratique, pyramidal et autoritaire : le salarié est un élément des rouages de l’entreprise dont la fonction est de générer le plus de richesse possible, pour le bénéfice des actionnaires. Tout mouvement de regroupement syndical, aspiration ou revendication sociale est déviée vers le responsable des ressources humaines ou à la médecine du travail, qui va prescrire aux individus des cours de yoga ou de méditation.

Ici, bien que les moniteurs de surf et leurs stagiaires ne fassent que passer sur la plage pour se mettre à l’eau, bien que l’accès à la plage et à l’océan soit libre d’accès, bien que les éducateurs sportifs soient formés à la sécurité, la réglementation et l’expertise du milieu océanique et responsables de leurs stagiaires, la mairie voit d’un œil jaloux ces écoles de surf qui vivent de leur activité.

Les élus parlent de la « manne » dont profitent les écoles de surf. Les élus veulent leur part du gâteau. Alors, prétextant une régulation du nombre d’écoles de surf, elles mettent en place des dispositifs qui tendent à contraindre les écoles de surf dans la gestion de leurs entreprises : à Biarritz, la mairie prétend ainsi contraindre les écoles de surf à s’aligner en bord de plage dans des espèces de paillotes identiques les unes aux autres, ce qui lui permet d’imposer des redevances en échange de concessions de plages et de rétrocession de leur chiffre d’affaire. Et elle y arrive !

Cet exemple biarrot inspire les communes landaises. C’est alors le brainstorming entre les 3 communes de Capbreton, Hossegor, Seignosse pour créer le dispositif réglementaire, à l’horizon 2021, qui permettra d’exiger des écoles de surf le paiement d’un nouvel impôt. Peu importe la manière, du moment que cette « manne » profite aussi aux mairies.

Manne dont elle bénéficie déjà, via la fiscalité des entreprises, via les taxes de séjour des stagiaires surf, via la publicité faite à ces destinations surf, via les partenariats avec les offices de tourisme et les hébergeurs, via une réduction certaine du nombre de noyades du fait de la surveillance gratuite qu’exercent les moniteurs de surf sur les plages.

Mais ce n’est visiblement pas suffisant. A quand la taxation des cours de sauvetage côtier, de kite surf, de marche nordique, de yoga sur la plage, dans la forêt, dans les parcs ?

Le domaine public devient la propriété du maire qui semble tenté d’en user comme d’un bien privé, source de revenus. Quitte à inventer de nouvelles taxes, à créer des dispositifs enrobés de beaux discours mais qui ne visent finalement qu’à ponctionner les professionnels.

D’où la tentation, comme à Capbreton, des parkings payants et des immeubles de location saisonnière qui défigurent le bord de mer ; à quand le ticket pour accéder à la plage, comme on se rendrait au parc d’attraction ?

La puissance publique a toujours été quelque peu condescendante envers ceux qui mènent des activités saisonnières (la preuve en est qu’il est quasiment impossible pour un saisonnier de se loger), rajoutez à cela le fait de travailler sur la plage avec une planche de surf, c’est plus qu’un élu ne peut supporter.

Allez en plus lui dire que vous pouvez l’aider dans ses problématiques de sécurité des plages et dans la création de dispositifs réglementaires cohérents et pertinents, c’est pousser le bouchon un peu trop loin. Les gueux doivent rester à leur place et observer la puissance tutélaire décider de ce qui est bon pour eux.

Taxer n’est pas réguler

Le compte-rendu que nous a communiqué le syndicat des professionnels du surf, consulté sur l’aspect de la légalité du nouveau dispositif d’adjudication proposé par les 3 mairies est sans appel : le dispositif est complètement déplacé et hors la loi.

En effet, on ne peut pas imposer à des éducateurs sportifs en milieu naturel, en lieu et place d’une autorisation d’exercer leur activité, une AOT (autorisation d’occupation temporaire), alors qu’ils n’occupent pas le domaine public. A moins de considérer que leur sac de sécu constitue un encombrement de la plage et nécessite la construction d’une petite paillote, ce qui est bien sûr absurde.

La pression qu’a exercé le syndicat sur les mairies de Hossegor et de Seignosse, en remettant en cause tant la légalité que le contenu des dossiers de candidature a obligé les mairies à reculer sur un certain nombre de points.

Les écoles de surf adhérant au SPS ont en quelque sorte offert, à leurs frais, un audit juridique gratuit. A la lecture des arguments juridiques du syndicat, les deux mairies ont réalisé qu’en continuant de poursuivre leur démarche à la manière d’un bulldozer, elles risquaient de se heurter au mur de la loi. Elles ont compris du même coup que les écoles de surf n’étaient pas que des individus isolés que l’on pouvait diviser en jouant de leurs différences mais qu’elles étaient capables de s’unir pour s’opposer à des injustices et des attaques dont elles seraient les victimes.

A Hossegor, la mairie a entendu partiellement les arguments, tant des gérants d’écoles de surf historiques sur la commune, que ceux du syndicat qui représente la profession, et décidé d’apporter quelques modifications au dispositif, mais les concession n’ont porté que sur des détails. On déplorera donc que l’objectif réel du dispositif, exiger le paiement d’une taxe, semble avoir été maintenu :

Ont été retirées du dossier les questions portant sur les finances, placements, comptabilité des écoles candidates, totalement déplacées pour déterminer les qualités pédagogiques d’une école de surf, au regard de l’aspect sécuritaire de l’encadrement de la pratique (seul biais légal par lequel le mairie peut réglementer l’activité des écoles de surf).

Ce critère, comme de nombreux autres demeurés dans le dossier, pouvait être interprété de manière discriminatoire, selon la sensibilité de la personne amenée à le noter, pour favoriser la grosse structure générant de fort revenus. D’autres critères au contraire, portant sur l’impact environnemental, pouvaient sembler favoriser des petites structures peu gourmandes en ressources (eau, électricité, infrastructures, etc).

Au terme d’une réunion, la mairie a donc symboliquement dispensé les écoles de surf présentes, de divulguer leurs informations privées de nature financière, elle a reporté la date de dépôt du dossier au vu de sa lourdeur, elle leur a également permis de déposer le dossier sous forme dématérialisée et parlé le « gentil », arguant que tout cela avait été fait pour leur bien, pour les aider.

Ultérieurement, sous forme de bruits de couloir et d’un article dans le Sud-Ouest, les écoles de surf apprendraient que l’idée d’une taxe pour financer un contrôleur municipal des écoles de surf était maintenue. En dépit du fait qu’aucune école non autorisée ne vienne enseigner l’été en zone réglementée sur les plages de Hossegor pendant les horaires de surveillance.

Les écoles de surf de Hossegor verront donc leur droit au travail sur la commune conditionné au paiement d’une taxe de 200€ par moniteur, dédiée au financement d’un beach marshall aux qualifications à ce jour inconnues.

A Seignosse, où les courriers du SPS ont également remis en question le bien fondé du dispositif, Eco-Safe Surfing a tenté d’établir un contact avec la mairie sous forme d’un courriel qui n’a reçu en guise de réponse qu’un simple accusé de réception. Ici en particulier, la municipalité a tenu son cap, elle a poursuivi coûte que coûte son objectif. Les arguments juridiques du SPS l’ont obligée à changer légèrement le dispositif, la taxe “beach marshall”, parfaitement illégale, est alors devenue une obligation de prendre une place de stationnement privatisée sur un parking gratuit donnant droit à une autorisation d’occupation temporaire, faisant office d’autorisation à exercer une activité de loisir. N’importe qui bondirait à la seule lecture de cet énoncé qui sent l’arnaque à plein nez !

Retour donc à la case départ, avec le SPS qui vient à nouveau interroger la légalité de ce nouvel habillage grossier et une mairie qui dévoile son jeu : si l’on confronte les effets d’annonce du maire de Seignosse pour justifier ce nouveau dispositif – limiter le nombre d’écoles en effectuant une sélection au mérite – avec la réalisation de ce même dispositif, on constate que toutes les écoles candidates ont été retenues. Il devient alors évident que le dossier ne répond à aucune de ses missions et que son véritable objectif, lui inaltérable, était et demeure de faire payer les écoles de surf, coûte que coûte.

Rappelons que des démarches à destination de Mr le Maire ont lieu depuis le début de sa mandature pour permettre aux écoles de surf historiques de participer à l’élaboration de réglementations plus justes, en cohérence avec les besoins de la profession et l’exigence de sécurité. Là encore, à l’imitation des déclarations ronflantes de nombreuses personnalités politiques dans les médias, les promesses n’ont pas été tenues, ce qui envoie un message fort à l’ensemble de la profession :

Vous ne valez pas qu’on vous écoute, votre expertise et votre renfort à la sécurité des plages sont une réalité qui reste du domaine de l’abstraction. Plutôt que la collaboration, nous élus, préférons vous accabler sous des tonnes de paperasse et vous imposer de nouvelles taxes. Bienvenue en Absurdistan !