Mairies bananières part 3 : le libéralisme autoritaire

La doctrine libérale veut que le marché s’autorégule de lui même. Selon ce dogme, l’ingérence de l’État dans la sphère économique doit se faire la plus discrète possible.

Il existe bien sûr un cadre législatif supposé imposer des limites aux entreprises en matière de fiscalité, droit du travail, protection sociale et environnementale. On voit comment les multinationales arrivent à se jouer de ces règles en prétendant édicter leurs propres chartes, en créant leurs commissions autonomes et cabinets d’experts et d’avocats, en faisant du lobbying auprès du législateur.

Les gagne misère

Or, cette doctrine libérale qui protège les grosses compagnies, semble ne pas s’appliquer aux secteurs professionnels de moindre envergure : c’est le cas d’un secteur peu structuré comme celui des écoles de surf, qui ne bénéficie que depuis peu d’une protection syndicale efficace, et qui catalyse tous les clichés liés au surf, d’individualisme, de fainéantise, de profiter du système, d’incapacité à se défendre collectivement.

Là où s’invite en outre une forme de libéralisme autoritaire, c’est dans le rapport de force que certaines mairies entretiennent depuis quelques années vis-à-vis des écoles de surf présentes sur leur territoire : quelques élus, au prétexte d’assurer la sécurité des plages, sont tentés de gérer les écoles de surf, non pas comme des partenaires économiques, mais comme un patron gérerait les salariés de son entreprise.

Un patron au management à l’ancienne, c’est à dire anti-démocratique, pyramidal et autoritaire : le salarié est un élément des rouages de l’entreprise dont la fonction est de générer le plus de richesse possible, pour le bénéfice des actionnaires. Tout mouvement de regroupement syndical, aspiration ou revendication sociale est déviée vers le responsable des ressources humaines ou à la médecine du travail, qui va prescrire aux individus des cours de yoga ou de méditation.

Ici, bien que les moniteurs de surf et leurs stagiaires ne fassent que passer sur la plage pour se mettre à l’eau, bien que l’accès à la plage et à l’océan soit libre d’accès, bien que les éducateurs sportifs soient formés à la sécurité, la réglementation et l’expertise du milieu océanique et responsables de leurs stagiaires, la mairie voit d’un œil jaloux ces écoles de surf qui vivent de leur activité.

Les élus parlent de la « manne » dont profitent les écoles de surf. Les élus veulent leur part du gâteau. Alors, prétextant une régulation du nombre d’écoles de surf, elles mettent en place des dispositifs qui tendent à contraindre les écoles de surf dans la gestion de leurs entreprises : à Biarritz, la mairie prétend ainsi contraindre les écoles de surf à s’aligner en bord de plage dans des espèces de paillotes identiques les unes aux autres, ce qui lui permet d’imposer des redevances en échange de concessions de plages et de rétrocession de leur chiffre d’affaire. Et elle y arrive !

Cet exemple biarrot inspire les communes landaises. C’est alors le brainstorming entre les 3 communes de Capbreton, Hossegor, Seignosse pour créer le dispositif réglementaire, à l’horizon 2021, qui permettra d’exiger des écoles de surf le paiement d’un nouvel impôt. Peu importe la manière, du moment que cette « manne » profite aussi aux mairies.

Manne dont elle bénéficie déjà, via la fiscalité des entreprises, via les taxes de séjour des stagiaires surf, via la publicité faite à ces destinations surf, via les partenariats avec les offices de tourisme et les hébergeurs, via une réduction certaine du nombre de noyades du fait de la surveillance gratuite qu’exercent les moniteurs de surf sur les plages.

Mais ce n’est visiblement pas suffisant. A quand la taxation des cours de sauvetage côtier, de kite surf, de marche nordique, de yoga sur la plage, dans la forêt, dans les parcs ?

Le domaine public devient la propriété du maire qui semble tenté d’en user comme d’un bien privé, source de revenus. Quitte à inventer de nouvelles taxes, à créer des dispositifs enrobés de beaux discours mais qui ne visent finalement qu’à ponctionner les professionnels.

D’où la tentation, comme à Capbreton, des parkings payants et des immeubles de location saisonnière qui défigurent le bord de mer ; à quand le ticket pour accéder à la plage, comme on se rendrait au parc d’attraction ?

La puissance publique a toujours été quelque peu condescendante envers ceux qui mènent des activités saisonnières (la preuve en est qu’il est quasiment impossible pour un saisonnier de se loger), rajoutez à cela le fait de travailler sur la plage avec une planche de surf, c’est plus qu’un élu ne peut supporter.

Allez en plus lui dire que vous pouvez l’aider dans ses problématiques de sécurité des plages et dans la création de dispositifs réglementaires cohérents et pertinents, c’est pousser le bouchon un peu trop loin. Les gueux doivent rester à leur place et observer la puissance tutélaire décider de ce qui est bon pour eux.

Taxer n’est pas réguler

Le compte-rendu que nous a communiqué le syndicat des professionnels du surf, consulté sur l’aspect de la légalité du nouveau dispositif d’adjudication proposé par les 3 mairies est sans appel : le dispositif est complètement déplacé et hors la loi.

En effet, on ne peut pas imposer à des éducateurs sportifs en milieu naturel, en lieu et place d’une autorisation d’exercer leur activité, une AOT (autorisation d’occupation temporaire), alors qu’ils n’occupent pas le domaine public. A moins de considérer que leur sac de sécu constitue un encombrement de la plage et nécessite la construction d’une petite paillote, ce qui est bien sûr absurde.

La pression qu’a exercé le syndicat sur les mairies de Hossegor et de Seignosse, en remettant en cause tant la légalité que le contenu des dossiers de candidature a obligé les mairies à reculer sur un certain nombre de points.

Les écoles de surf adhérant au SPS ont en quelque sorte offert, à leurs frais, un audit juridique gratuit. A la lecture des arguments juridiques du syndicat, les deux mairies ont réalisé qu’en continuant de poursuivre leur démarche à la manière d’un bulldozer, elles risquaient de se heurter au mur de la loi. Elles ont compris du même coup que les écoles de surf n’étaient pas que des individus isolés que l’on pouvait diviser en jouant de leurs différences mais qu’elles étaient capables de s’unir pour s’opposer à des injustices et des attaques dont elles seraient les victimes.

A Hossegor, la mairie a entendu partiellement les arguments, tant des gérants d’écoles de surf historiques sur la commune, que ceux du syndicat qui représente la profession, et décidé d’apporter quelques modifications au dispositif, mais les concession n’ont porté que sur des détails. On déplorera donc que l’objectif réel du dispositif, exiger le paiement d’une taxe, semble avoir été maintenu :

Ont été retirées du dossier les questions portant sur les finances, placements, comptabilité des écoles candidates, totalement déplacées pour déterminer les qualités pédagogiques d’une école de surf, au regard de l’aspect sécuritaire de l’encadrement de la pratique (seul biais légal par lequel le mairie peut réglementer l’activité des écoles de surf).

Ce critère, comme de nombreux autres demeurés dans le dossier, pouvait être interprété de manière discriminatoire, selon la sensibilité de la personne amenée à le noter, pour favoriser la grosse structure générant de fort revenus. D’autres critères au contraire, portant sur l’impact environnemental, pouvaient sembler favoriser des petites structures peu gourmandes en ressources (eau, électricité, infrastructures, etc).

Au terme d’une réunion, la mairie a donc symboliquement dispensé les écoles de surf présentes, de divulguer leurs informations privées de nature financière, elle a reporté la date de dépôt du dossier au vu de sa lourdeur, elle leur a également permis de déposer le dossier sous forme dématérialisée et parlé le « gentil », arguant que tout cela avait été fait pour leur bien, pour les aider.

Ultérieurement, sous forme de bruits de couloir et d’un article dans le Sud-Ouest, les écoles de surf apprendraient que l’idée d’une taxe pour financer un contrôleur municipal des écoles de surf était maintenue. En dépit du fait qu’aucune école non autorisée ne vienne enseigner l’été en zone réglementée sur les plages de Hossegor pendant les horaires de surveillance.

Les écoles de surf de Hossegor verront donc leur droit au travail sur la commune conditionné au paiement d’une taxe de 200€ par moniteur, dédiée au financement d’un beach marshall aux qualifications à ce jour inconnues.

A Seignosse, où les courriers du SPS ont également remis en question le bien fondé du dispositif, Eco-Safe Surfing a tenté d’établir un contact avec la mairie sous forme d’un courriel qui n’a reçu en guise de réponse qu’un simple accusé de réception. Ici en particulier, la municipalité a tenu son cap, elle a poursuivi coûte que coûte son objectif. Les arguments juridiques du SPS l’ont obligée à changer légèrement le dispositif, la taxe « beach marshall », parfaitement illégale, est alors devenue une obligation de prendre une place de stationnement privatisée sur un parking gratuit donnant droit à une autorisation d’occupation temporaire, faisant office d’autorisation à exercer une activité de loisir. N’importe qui bondirait à la seule lecture de cet énoncé qui sent l’arnaque à plein nez !

Retour donc à la case départ, avec le SPS qui vient à nouveau interroger la légalité de ce nouvel habillage grossier et une mairie qui dévoile son jeu : si l’on confronte les effets d’annonce du maire de Seignosse pour justifier ce nouveau dispositif – limiter le nombre d’écoles en effectuant une sélection au mérite – avec la réalisation de ce même dispositif, on constate que toutes les écoles candidates ont été retenues. Il devient alors évident que le dossier ne répond à aucune de ses missions et que son véritable objectif, lui inaltérable, était et demeure de faire payer les écoles de surf, coûte que coûte.

Rappelons que des démarches à destination de Mr le Maire ont lieu depuis le début de sa mandature pour permettre aux écoles de surf historiques de participer à l’élaboration de réglementations plus justes, en cohérence avec les besoins de la profession et l’exigence de sécurité. Là encore, à l’imitation des déclarations ronflantes de nombreuses personnalités politiques dans les médias, les promesses n’ont pas été tenues, ce qui envoie un message fort à l’ensemble de la profession :

Vous ne valez pas qu’on vous écoute, votre expertise et votre renfort à la sécurité des plages sont une réalité qui reste du domaine de l’abstraction. Plutôt que la collaboration, nous élus, préférons vous accabler sous des tonnes de paperasse et vous imposer de nouvelles taxes. Bienvenue en Absurdistan !

Mairies bananières Part 2 : le retour du servage

Le GIP Littoral Aquitain, pour l’élaboration de son guide à destination des mairies pour réguler les problématiques de sécurité liées à l’augmentation du nombre d’écoles de surf, s’est inspiré de différents types de dispositifs réglementaires. La mairie de Capbreton a fait partie de ce panel de modèles, choisis non pas pour leur perfection mais pour leurs diversités d’approches.

Le fait de permettre à un club associatif d’assurer une concurrence déloyale sur les écoles privées, comme cela se pratique à Capbreton de manière tout à fait assumée, ne faisait pas partie des solutions validées par le cabinet d’experts juridiques du GIP Littoral Aquitain. Le Plan Action Glisse présenté en 2019 met en garde au contraire contre ce genre de dérives.

Dès lors, autoproclamée championne du GIP, la mairie de Capbreton a élaboré un nouveau dispositif d’adjudication du droit à enseigner sur les plages, qu’elle a présenté à ses voisins de Hossegor et de Seignosse comme la solution miracle pour justifier du choix des mairies à accepter ou refuser des candidatures.

Capbreton origins : le super dossier !

Dès lors pour la saison 2021, il s’agit pour chaque école de remplir un dossier dont l’intention est de noter les écoles selon des critères de sélection pré-établis.

Légalement, seul le pouvoir de police du maire, en vertu de son devoir d’assurer la sécurité des usagers de la plage, lui permet de réguler l’accès des écoles de surf au littoral, libre d’accès selon la loi.

Les mairies de Hossegor et de Seignosse ont donc envoyé par mailing la procédure à leurs écoles de surf respectives, celle de Capbreton a par contre décalé la procédure d’un an et reconduit automatiquement les écoles autorisées l’année précédente, elle s’est assise confortablement et puis elle a regardé le spectacle et compté les points, tranquillement. Allez-y les gars, nous on arrive, mais plus tard !

En effet, les gérants d’école de surf des trois communes respectives ont littéralement implosé lorsqu’ils se sont emparés du contenu de la procédure. A Seignosse, le maire leur avait dit, le futur dispositif, on le construira ensemble. Cela n’advint pas. Comme toujours, les professionnels n’avaient pas été consultés et cela s’est ressenti d’emblée sur le contenu même du dossier de candidature, bourré d’incohérences et d’éléments contradictoires, sources d’inégalités et d’interprétations subjectives, demandes intrusives d’éléments sans rapport avec une exigence en matière de sécurité ou même de qualité de l’enseignement.

Déroutées, de nombreuses écoles de surf se tournèrent vers Eco-Safe Surfing mais plus encore vers le Syndicat des Professionnels du Surf, afin de questionner la légalité de la procédure via son conseil juridique.

Les gérants d’écoles de surf découvrirent alors, qu’en lieu et place de la demande d’autorisation habituelle, en pleine crise du Covid, les mairies de Hossegor et de Seignosse leur imposaient en réalité une demande d’autorisation d’occupation temporaire : ce genre de procédure permet par exemple de construire une cabane sur le domaine public.

Or, la plupart des gérants d’école de surf ne font que passer sur la plage et le dépôt d’un sac à dos sur le sable ne constitue pas un usage privatif du domaine public à l’exclusion des autres usagers.

La lourdeur du dossier a également choqué les professionnels : pour travailler à plein temps deux mois de l’année essentiellement (juillet-août), on leur a demandé de constituer un dossier qui, pour être parfaitement rempli, nécessitait à minima un mois de travail, d’argumentation, constitution de projets, recherche de justificatifs, travail comptable, engagements écoresponsables, etc.

Dossier inspiré directement des appels d’offre pour un marché public, par exemple pour un chantier commandé par la mairie auprès de grosses entreprises du BTP ; à la différence près que dans le cas des écoles de surf, on ne leur demandait pas de suer sang et eau pour recevoir un financement de la mairie. Au contraire, on leur imposait sous la contrainte 1. une procédure sans rapport avec leur travail, 2.  de s’acquitter du paiement d’une taxe en échange de leur droit au travail en zone réglementée !

Est-ce parce que les écoles de surf, en travaillant deux mois de l’année, gagnent des salaires de milliardaires ? On se rappelle qu’à l’âge d’or des multinationales du surf, les mairies leur déroulaient le tapis rouge. Ces sociétés ne semblaient pas coupables d’empocher des millions en faisant de la spéculation, en fabriquant des produits de mauvaise qualité au Bangladesh pour finir en licenciements drastiques dès que le marché du textile commença à s’infléchir.

Alors que l’industrie de l’hôtellerie, de la restauration et du spectacle vivent une situation tragique, le secteur des activités de plein air parvient à traverser la crise du Covid sans trop de casse. Bien qu’étant impacté lui aussi par les restrictions, les mois d’arrêt pour causes d’interdiction de la pratique du surf, de limites de déplacement, de couvre-feu.

Au lieu de se réjouir que le secteur des écoles de surf résiste à la crise, au lieu de l’aider, de travailler conjointement, les mairies ont accablé ces entreprises avec des procédures administratives kafkaïennes, extrêmement lourdes et discriminatoires, et qui plus est illégales selon le rapport du cabinet juridique du SPS.

En plein mois de février 2021, nombre d’écoles de surf ont du renoncer à préparer leur saison pour remplir ce dossier, suspendu comme une épée de Damoclès au dessus de leur tête.

Il faut rappeler que gérer une école de surf ne consiste pas à surfer ou même simplement à l’action d’enseigner, il faut gérer la communication digitale, le marketing, l’entretien et le renouvellement du matériel, la prospection clientèle, la comptabilité et mille autres postes qui dans un secteur très concurrentiel vont conditionner la capacité d’une école à gagner sa vie.

Pendant ce temps, les écoles qui travaillent hors zone réglementée, parfois sans diplômes et sans agréments (de la part des mairies et de la DDCSPP), ont pu quant à elles occuper les espaces laissés vacants par les écoles implantées sur le territoire.

Rappelons également que l’enseignement du surf est une activité saisonnière et que de nombreux gérants d’écoles de surf ont un deuxième travail le reste de l’année, quand ils ne poursuivent pas des formations. Or ce dossier les a plongés dans une sinistre dépression, en les accablant d’une surcharge de travail injustifiée pour légitimer leur capacité à donner des cours de qualité sur une commune deux ou trois moins dans l’année. Alors qu’ils exercent ce métier pour certains depuis plus de vingt ans.

Retour des corvées médiévales et de la gabelle

Le plus drôle, alors que nombre de gérants d’écoles de surf font partie du tissu local et s’y investissent selon leurs inspirations et capacités, c’est que le dossier leur impose de mener à bien des projets à caractère social et bénévoles, de ceux qu’on attend d’une association qui vit des subsides publics mais moins d’une structure privée dont le but est tout de même de gagner de l’argent.

Belle célébration de la féodalité, de la part des mairies, que d’exiger des écoles de surf, comme condition au travail, qu’elles s’acquittent de corvées ou du paiement de taxes que seul l’État serait d’ailleurs en droit de créer. Quant à poursuivre des actions sociales ou de protection environnementales, les écoles de surf le font avec d’autant plus de plaisir que l’initiative ne leur est pas imposée de l’extérieur par un organe tutélaire et condescendant mais qu’elle émane de leur seule volonté.

Les mairies ont moins de courage lorsqu’il s’agit de réglementer des grosses entreprises telles que Monsanto, ou les promoteurs immobiliers qui bétonnent la rue des Marsouins de Capbreton, ils s’attendent là en effet à une certaine résistance.

Par contre, lorsqu’elles s’intéressent au business des écoles de surf, les mairies ont la vision de surfeurs désorganisés, individualistes, incapables de résister au chantage larvé que constitue localement toute demande auprès d’une municipalité, en les plaçant en dépendance vis-à-vis de ces mairies. C’est ainsi que lors de la dernière mandature, les écoles seignossaises s’étaient vues ponctionnées de 500 € par moniteur chaque année, sans contreparties. En échange de leurs autorisations. Près de 40.000 € ont ainsi été soustraits aux écoles de surf, on n’a jamais su véritablement vers quelle destination. Joli coup de racket, estampillé « mairie bananière».

Dans la profession, mise en difficultés, les mentalités sont en train de changer, les individus qui gèrent ces écoles de surf ont compris que pour se protéger de l’arbitraire, elles pouvaient s’abriter derrière des représentations interprofessionnelles telles que le SPS, avec tout le poids et le crédit que l’on attribue à un syndicat.

L’abolition de la parole

Si de telles pratiques, d’ingérence du représentant de l’État dans le vie privée des entreprises, ont pu se perpétuer, c’est bien parce que les individus qui composent ces écoles de surf ont peur de s’attirer le courroux du pouvoir local. En effet, comment critiquer ouvertement l’institution qui a le pouvoir de vous interdire de travailler ou de vous circonscrire à la marge des territoires, dans ce qu’on appelle les zones non réglementées.

D’un côté, une absence de parole contradictoire des professionnels sur les sujets qui les concernent. Car ils sont dépendants de leurs municipalités. Et qui, lorsqu’ils ont le courage de s’exprimer, ne sont pas entendus collectivement.

De l’autre, une parole institutionnelle déconnectée de la réalité du terrain, impuissante à régler les problématiques sociales : en effet, les mairies, les instances du tourisme, la Direction départementales de la cohésion sociale et des populations (DDCSPP) travaillent chacun de leur côté, se rencontrent lors de réunions de travail en prenant soin de surtout ne jamais remettre en question les actions des uns et des autres. Tout ces bureaucrates doivent parler le « gentil », ne pas faire de vagues, ne pas troubler la marche inexorable du train train administratif.

Ainsi, la faillite de la DDCSPP, faute de moyens humains, à protéger les écoles – en règle – de la concurrence déloyale des écoles de surf contrevenant aux règles établies (pour garantir la sécurité du public), se traduit par la décision du maire de Seignosse de financer un poste de beach marshall – dédié au contrôle des écoles de surf – en faisant endosser le paiement de ce poste par les écoles de surf implantées sur son territoire. Sorte de privatisation de la mission publique.

Précisons qu’aucune précision sur la mise en place de cette mission n’a été donnée aux dirigeants d’écoles de surf, qui leur eut permis d’évaluer ce poste, pour l’instant fictif : nouvel employé municipal dédié à cette mission de contrôle, rajout de cette attribution à un policier municipal déjà en poste, en plus de ses nombreuses autres attributions, qualifications de la personne en charge, jauge pour évaluer l’efficacité de son action sur le terrain ? Un bel exemple d’opacité qui rappelle le système qu’avait mis en place l’ancienne équipe municipale.

Les écoles incriminées par la concurrence déloyale des contrevenants aux règles se voient donc de surcroît gratifiées d’une sanction financière, comme si elles étaient coupables d’être à jour de leurs obligations légales !

Quelle instance publique viendra protéger ces écoles de surf de réglementations hors la loi, pondues par des municipalités ? Aucune. Comme souvent, pour les questions d’ordre social ou environnemental, les citoyens n’ont d’autre recours que de se tourner vers des associations ou des syndicats puis vers la justice. Triste constat.

Phénomène récent, le regroupement des écoles de surf indignées par cette injonction – candidature contre redevance – a fait front commun contre cette taxe, totalement injuste et illégale. Nous verrons comment la mairie de Seignosse, tendue vers son but, faire payer les gueux, a imaginé un nouveau biais pour justifier le paiement de cet impôt. En perpétuant la tradition qui consiste à ne surtout pas questionner la corporation sur ses besoins et ses attentes, à réglementer d’abord, discuter ensuite, mais pour la forme.

Rappelons que le nouveau maire, Mr Pécastaing, lors de la campagne électorale, avait laissé entendre qu’il ne perpétuerait pas ce système de taxe – droit d’accès au travail en zone réglementée – et a donc été élu par bon nombre de gérants d’écoles de surf sur de fausses promesses.

Ainsi, on observe l’abolition de la parole des acteurs du surf (absence de consultation) et l’abolition de la parole publique, au sens de la parole donnée. Alors que de belles choses eues pu s’accomplir dans la coopération plutôt que par la contrainte. Certains y verront une sorte de management à l’ancienne, peut-être pas moyenâgeux, mais quand même pas très progressiste.

Eco-Safe Surfing vient donc offrir une tribune aux sans voix qui composent toute une profession, pour décrire la réalité telle qu’elle est vécue par les gens qui travaillent sur le terrain, sans langue de bois, sans discours policés, sans hypocrisie.

Mairies bananières Part 1 : les gueux du surf

Il est loin le temps où le maire de Hossegor pouvait tenir des propos méprisants envers les surfeurs, imaginant un Hossegor peuplé de golfeurs roulant en Porche, symboles de tourisme de luxe et villas de grand standing.

Pas si loin le temps où certain personnel municipal de Capbreton affirmait que la station n’attirait pas spécialement les surfeurs mais plutôt les familles de plagistes et clients du Casino. Celui où le directeur du camping municipal déclarait en privé que proposer des cours de surf dans son camping ne l’intéressait pas, « parce que le camping a une clientèle de bidochons » qui préfèrent au surf le karting ou le minigolf.

En effet, études à l’appui, plus personne ne peut ignorer encore que le terroir surf constitué par Capbreton, Hossegor et Seignosse soit devenu une destination privilégiée pour les surfeurs, que ce soit en pratique libre ou encadrée.

Aussi, le discours de la puissance publique a l’égard des écoles de surf s’est policé, pouvant laisser entrevoir une reconnaissance de la profession, jusqu’alors peu considérée. Hélas, rien n’a changé, car l’homopoliticus n’a pas de problème à déclarer une chose pour, in fine, faire tout son contraire. Le sourire n’enlève rien à la violence sociale qui s’exerce alors.

Désormais, tout le monde a le mot « surf » à la bouche : les élus, les instances du tourisme régional et local, les institutionnels rassemblés par le GIP Littoral Aquitain et la Fédération Française de Surf, unique interlocuteur émanant du terrain, à l’exclusion de tout le reste de la stratosphère surf et de ses représentants.

Des tentatives de regroupement interprofessionnels pour permettre aux écoles de surf de s’exprimer, d’être écoutées sinon au moins entendues ont alors vu le jour mais ne se sont pas faites sans une certaine résistance : ainsi, le travail effectué par Eco-Safe Surfing, depuis 2017, en lien avec la DDCSPP et le GIP Littoral Aquitain dans le cadre de l’élaboration du plan Action Glisse, destiné à offrir un cadre à la régulation du nombre d’écoles de surf sur les communes, n’a reçu aucun remerciement, aucune reconnaissance officielle, pas une ligne ne vient souligner notre participation dans le processus d’élaboration de l’enquête métiers du surf et du Plan Action Glisse. Après tout, on ne nous avait rien demandé ! La puissance publique pouvait très bien décider du destin des gérants d’écoles de surf sans les questionner sur leurs besoins et problématiques. D’ici qu’en plus ils proposent des solutions !

Ainsi nous demeurons comme la tribu d’indigènes assis sur une ressource naturelle, objets de tous les discours mais jamais consultés. En ne nous accordant pas même une ligne, c’est comme si notre existence était effacée, reléguée au rang de la narration. Or, les écoles de surf sont les premiers promoteurs du surf sur le littoral, de même que, au côté des personnels sauveteurs, les garants de la sécurité des plages englobant les baigneurs. Elles constituent également un tissu socio-professionnel fragile car tributaire des saisons, des aléas climatiques, sanitaires avec le covid, et à présent esclaves de l’arbitraire des mairies dans la mise en place de réglementations élaborées sans les consulter.

On découvre ainsi dernièrement à la lecture d’un article de Sud-Ouest, dans lequel le maire de Hossegor est interviewé pour justifier la mise en place d’une nouvelle procédure de sélection des écoles autorisées sur la commune, que l’augmentation du nombre d’écoles de surf exponentielle sur le territoire doit être régulée. Fait incontestable. Cependant, Mr Vigneau déclare aussi que cette pression est consécutive de l’arrivée de nouveaux surf camps, écoles itinérantes et étrangères, faisant du même coup un amalgame absurde entre différents types de structures et une mauvaise publicité aux écoles de surf itinérantes.

Un autre article enfonce le clou dans les semaines suivantes, par la voix d’un représentant de la Fédération Française de Surf, en expliquant que cette augmentation du nombre d’écoles est due aux moniteurs de surf formés par la FFS et qui deviennent ensuite écoles de surf itinérantes (on notera l’ironie qui consiste à incriminer le ballon qui a cassé la vitre plutôt que la personne à l’origine du tir).

En outre, cette cabale est tout à fait injuste et mensongère puisque chaque année, les mairies de Hossegor et de Seignosse autorisent des écoles nouvellement crées, certaines sont certes des d’écoles itinérantes, d’autres ont fait l’acquisition d’un local commercial ou emporté l’appel d’offre leur permettant de louer une concession de plage, on remarque en outre que de nombreux tours operatos étrangers se voient dérouler le tapis roule sur la commune de Seignosse, en dépit du fait qu’ils soient immatriculés et paient leurs impôts à l’étranger et qu’ils perpétuent une longue tradition de cours de surf au rabais, avec des aides moniteurs n’ayant pas même l’agrément de la DDCSPP pour enseigner le surf. Aggravant ainsi les problématiques de sécurité et de concurrence déloyale vis-à-vis des éducateurs en règle, garants d’une qualité de l’enseignement.

C’est comme si les professionnels du surf, experts dans les domaines de la réglementation et de la sécurité du surf, n’avaient pas droit au chapitre ; on parle de nous dans les enquêtes, on publie des rapports mais dans les faits, en ne nous reconnaissant pas, on nous relègue au rang de sujets, que l’on administre comme un troupeau de moutons.

L’article sus-mentionné conclue d’ailleurs par une allusion à une taxe que devront payer les écoles de surf d’Hossegor, en raison du fait qu’elles profitent de la « manne » touristique. Pourtant, tout le littoral aquitain ne profite-t-il pas du tourisme ? La mairie elle-même ne vit-elle pas du tourisme ? Est-ce à dire que les écoles de surf sont moins légitimes que d’autres catégories socio-professionnelles de vivre du tourisme ? Sommes nous des gueux ? Les Ronins des plages ? Devrons-nous, comme les métayers de jadis, amener à la Noël au seigneur de la Mairie un jambon ?

Mais il nous est dit, à Hossegor comme à Seignosse où la même procédure est mise en place, que le Seigneur nous aime, qu’il fait ça pour notre bien. Qu’un beach marshall va veiller sur nous en contrôlant les écoles de surf, se substituant à la mission de l’État (DDCSPP), qui regarde tout cela sans réagir. A croire que tout le monde se moque du sort des gueux que nous sommes.

Or les injustices ont tendance à produire une résistance collective et les gérants d’écoles de surf ont entrepris un mouvement de regroupement que ces attaques sur la profession n’ont fait que renforcer.

Qui se matérialise par des groupes de discussion interprofessionnels sur chaque commune, également que par le réseau d’écoles de surf chartées Eco-Safe Surfing et ce mouvement trouve un prolongement dans l’action du Syndicat des Professionnels du Surf, le SPS, qui a été particulièrement actif sur ce dossier, en utilisant l’argument de la loi et de l’équité.

On attend toujours que le journal Sud-Ouest nous contacte, pour exprimer le point de vue de la profession. Nous saurons bientôt si ce journal se cantonne à un rôle de gazette municipale pro-institutionnels ou si l’expression de points de vue contradictoires fait partie de son éthique journalistique. Car seule la multiplicité des points de vue permet de mettre en lumière la vérité.

Rappelons que le racket institutionnalisé par la mairie de Seignosse sur ses écoles de surf, de 2015 à 2019, avait eu son petit compte rendu pro-mairie dans le journal Sud-Ouest et bénéficié ainsi de son coup de publicité mensongère.

Il est beau ce pays où les maires peuvent bénéficier d’une tribune gratuite pour s’exprimer sans que le correspondant de presse qui les interviewe n’aille vérifier la véracité et le bien-fondé de leurs propos. Et quelle importance si, in fine, cela entretient de la détresse sociale.