Mairies bananières Part 1 : les gueux du surf

Il est loin le temps où le maire de Hossegor pouvait tenir des propos méprisants envers les surfeurs, imaginant un Hossegor peuplé de golfeurs roulant en Porche, symboles de tourisme de luxe et villas de grand standing.

Pas si loin le temps où certain personnel municipal de Capbreton affirmait que la station n’attirait pas spécialement les surfeurs mais plutôt les familles de plagistes et clients du Casino. Celui où le directeur du camping municipal déclarait en privé que proposer des cours de surf dans son camping ne l’intéressait pas, « parce que le camping a une clientèle de bidochons » qui préfèrent au surf le karting ou le minigolf.

En effet, études à l’appui, plus personne ne peut ignorer encore que le terroir surf constitué par Capbreton, Hossegor et Seignosse soit devenu une destination privilégiée pour les surfeurs, que ce soit en pratique libre ou encadrée.

Aussi, le discours de la puissance publique a l’égard des écoles de surf s’est policé, pouvant laisser entrevoir une reconnaissance de la profession, jusqu’alors peu considérée. Hélas, rien n’a changé, car l’homopoliticus n’a pas de problème à déclarer une chose pour, in fine, faire tout son contraire. Le sourire n’enlève rien à la violence sociale qui s’exerce alors.

Désormais, tout le monde a le mot « surf » à la bouche : les élus, les instances du tourisme régional et local, les institutionnels rassemblés par le GIP Littoral Aquitain et la Fédération Française de Surf, unique interlocuteur émanant du terrain, à l’exclusion de tout le reste de la stratosphère surf et de ses représentants.

Des tentatives de regroupement interprofessionnels pour permettre aux écoles de surf de s’exprimer, d’être écoutées sinon au moins entendues ont alors vu le jour mais ne se sont pas faites sans une certaine résistance : ainsi, le travail effectué par Eco-Safe Surfing, depuis 2017, en lien avec la DDCSPP et le GIP Littoral Aquitain dans le cadre de l’élaboration du plan Action Glisse, destiné à offrir un cadre à la régulation du nombre d’écoles de surf sur les communes, n’a reçu aucun remerciement, aucune reconnaissance officielle, pas une ligne ne vient souligner notre participation dans le processus d’élaboration de l’enquête métiers du surf et du Plan Action Glisse. Après tout, on ne nous avait rien demandé ! La puissance publique pouvait très bien décider du destin des gérants d’écoles de surf sans les questionner sur leurs besoins et problématiques. D’ici qu’en plus ils proposent des solutions !

Ainsi nous demeurons comme la tribu d’indigènes assis sur une ressource naturelle, objets de tous les discours mais jamais consultés. En ne nous accordant pas même une ligne, c’est comme si notre existence était effacée, reléguée au rang de la narration. Or, les écoles de surf sont les premiers promoteurs du surf sur le littoral, de même que, au côté des personnels sauveteurs, les garants de la sécurité des plages englobant les baigneurs. Elles constituent également un tissu socio-professionnel fragile car tributaire des saisons, des aléas climatiques, sanitaires avec le covid, et à présent esclaves de l’arbitraire des mairies dans la mise en place de réglementations élaborées sans les consulter.

On découvre ainsi dernièrement à la lecture d’un article de Sud-Ouest, dans lequel le maire de Hossegor est interviewé pour justifier la mise en place d’une nouvelle procédure de sélection des écoles autorisées sur la commune, que l’augmentation du nombre d’écoles de surf exponentielle sur le territoire doit être régulée. Fait incontestable. Cependant, Mr Vigneau déclare aussi que cette pression est consécutive de l’arrivée de nouveaux surf camps, écoles itinérantes et étrangères, faisant du même coup un amalgame absurde entre différents types de structures et une mauvaise publicité aux écoles de surf itinérantes.

Un autre article enfonce le clou dans les semaines suivantes, par la voix d’un représentant de la Fédération Française de Surf, en expliquant que cette augmentation du nombre d’écoles est due aux moniteurs de surf formés par la FFS et qui deviennent ensuite écoles de surf itinérantes (on notera l’ironie qui consiste à incriminer le ballon qui a cassé la vitre plutôt que la personne à l’origine du tir).

En outre, cette cabale est tout à fait injuste et mensongère puisque chaque année, les mairies de Hossegor et de Seignosse autorisent des écoles nouvellement crées, certaines sont certes des d’écoles itinérantes, d’autres ont fait l’acquisition d’un local commercial ou emporté l’appel d’offre leur permettant de louer une concession de plage, on remarque en outre que de nombreux tours operatos étrangers se voient dérouler le tapis roule sur la commune de Seignosse, en dépit du fait qu’ils soient immatriculés et paient leurs impôts à l’étranger et qu’ils perpétuent une longue tradition de cours de surf au rabais, avec des aides moniteurs n’ayant pas même l’agrément de la DDCSPP pour enseigner le surf. Aggravant ainsi les problématiques de sécurité et de concurrence déloyale vis-à-vis des éducateurs en règle, garants d’une qualité de l’enseignement.

C’est comme si les professionnels du surf, experts dans les domaines de la réglementation et de la sécurité du surf, n’avaient pas droit au chapitre ; on parle de nous dans les enquêtes, on publie des rapports mais dans les faits, en ne nous reconnaissant pas, on nous relègue au rang de sujets, que l’on administre comme un troupeau de moutons.

L’article sus-mentionné conclue d’ailleurs par une allusion à une taxe que devront payer les écoles de surf d’Hossegor, en raison du fait qu’elles profitent de la « manne » touristique. Pourtant, tout le littoral aquitain ne profite-t-il pas du tourisme ? La mairie elle-même ne vit-elle pas du tourisme ? Est-ce à dire que les écoles de surf sont moins légitimes que d’autres catégories socio-professionnelles de vivre du tourisme ? Sommes nous des gueux ? Les Ronins des plages ? Devrons-nous, comme les métayers de jadis, amener à la Noël au seigneur de la Mairie un jambon ?

Mais il nous est dit, à Hossegor comme à Seignosse où la même procédure est mise en place, que le Seigneur nous aime, qu’il fait ça pour notre bien. Qu’un beach marshall va veiller sur nous en contrôlant les écoles de surf, se substituant à la mission de l’État (DDCSPP), qui regarde tout cela sans réagir. A croire que tout le monde se moque du sort des gueux que nous sommes.

Or les injustices ont tendance à produire une résistance collective et les gérants d’écoles de surf ont entrepris un mouvement de regroupement que ces attaques sur la profession n’ont fait que renforcer.

Qui se matérialise par des groupes de discussion interprofessionnels sur chaque commune, également que par le réseau d’écoles de surf chartées Eco-Safe Surfing et ce mouvement trouve un prolongement dans l’action du Syndicat des Professionnels du Surf, le SPS, qui a été particulièrement actif sur ce dossier, en utilisant l’argument de la loi et de l’équité.

On attend toujours que le journal Sud-Ouest nous contacte, pour exprimer le point de vue de la profession. Nous saurons bientôt si ce journal se cantonne à un rôle de gazette municipale pro-institutionnels ou si l’expression de points de vue contradictoires fait partie de son éthique journalistique. Car seule la multiplicité des points de vue permet de mettre en lumière la vérité.

Rappelons que le racket institutionnalisé par la mairie de Seignosse sur ses écoles de surf, de 2015 à 2019, avait eu son petit compte rendu pro-mairie dans le journal Sud-Ouest et bénéficié ainsi de son coup de publicité mensongère.

Il est beau ce pays où les maires peuvent bénéficier d’une tribune gratuite pour s’exprimer sans que le correspondant de presse qui les interviewe n’aille vérifier la véracité et le bien-fondé de leurs propos. Et quelle importance si, in fine, cela entretient de la détresse sociale.